N° 08 – 22/05/2024
Travailler et faire garder son enfant devient inabordable
Pour travailler, les parents ont besoin de faire garder leur enfant : c’est une dépense contrainte. La hausse générale du barème de participation des parents entre 2019 et 2022, en sus de l’inflation, ainsi que plusieurs déplafonnements successifs ont entrainé, pour les parents, des hausses du coût de l’accueil de leur enfant en crèche. Le nouveau déplafonnement qui vient d’être décidé, provoquera pour certains parents une augmentation cumulée de 48 % depuis 2018 ! Par ailleurs, le reste à charge pour les parents recourant à une assistante maternelle a aussi augmenté. Le taux horaire moyen des assistantes maternelles ne cesse de progresser alors que les aides se sont érodées : il faut désormais être à la limite du seuil de pauvreté pour avoir accès au Complément Mode de Garde (CMG) intégral.
Pour faire garder son enfant en crèche, un couple proche du niveau de vie médian (revenu de 1,5 Smic par parent pour un couple avec un enfant) devait dépenser, en euros constants, 342 € de plus en 2022 par rapport à 2010 : une perte nette équivalente à un mois de garde ! Pour le faire garder par une assistante maternelle, le surcout atteint 640 € annuel.
La situation de la France en termes de coût de l’accueil ne cesse de se dégrader comme le montrent plusieurs indicateurs. L’OCDE classe ainsi la France 20e sur 27 en 2022 en termes de coût de l’accueil dans le budget d’un couple dont chacun gagne le salaire moyen. La France était 12ème en 2008 !
Le coût de l’accueil pèse sur les comportements des parents
Ce coût devenu élevé a déjà des conséquences très négatives, que révèlent les 1ers résultats de l’enquête réalisée par l’Unaf[1].
- Un frein, voire une désincitation à l’emploi des femmes
Lorsque le coût est trop élevé, les parents réduisent leur recours aux dispositifs de garde, notamment en diminuant leur propre temps de travail. Cela est très défavorable à l’emploi féminin, les mères ayant souvent un salaire inférieur à celui du père :
- « Il est très difficile moralement de voir presque un quart de son salaire partir en mode de garde. » mère de 34 ans.
- « Lors du choix du mode de garde, nous nous sommes demandé s’il était pertinent de retourner travailler ou de garder nous-même notre enfant et démissionner au vu du coût de garde. » mère de 33 ans.
- « Dans mon cas, c’est plus avantageux de réduire mon temps de travail que de reprendre à plein temps. » mère de 38 ans.
Par ailleurs, l’enquête de l’Unaf montre que, si le reste à charge augmente de 100 € par mois, plus d’un parent sur deux (51 %) dit qu’il réduira son temps de travail. Ce comportement vaut pour tous les niveaux de revenu : même pour les parents qui se considèrent « vraiment très à l’aise » financièrement, ce taux est de 33 %.
2. Des mesures comptables inutiles : nul besoin de mettre davantage à contribution les familles pour créer de nouvelles places d’accueil !
La convention d’objectifs et de gestion Etat-Cnaf prévoit un financement de 1,55 Md€ supplémentaires en faveur de l’accueil du jeune enfant à horizon 2027. Or le Fonds destiné au financement des modes d’accueil du jeune enfant présente déjà en 2023 une sous consommation de 400M€, dont 300M€ ont été ponctionnés par l’Etat. Faire contribuer encore davantage les parents n’est donc pas nécessaire.
De plus, paradoxalement, une hausse du coût pour les parents ne garantit en rien un gain pour les finances sociales ou les structures d’accueil. En effet, lorsque le coût augmente, les parents diminuent le nombre d’heures d’accueil de leur enfant. C’est donc un risque :
- de moindres recettes pour les structures d’accueil du jeune enfant,
- d’une baisse de l’emploi donc des cotisations sociales au détriment du financement de la Sécurité sociale. Le déficit public lié à un manque de recettes risque donc de s’aggraver.
La hausse du coût du mode d’accueil est une forme d’impôt déguisé sur le travail des parents de jeunes enfants, qui se voient taxés d’un coût supplémentaire parce qu’ils ont besoin de faire garder leur enfant pour pouvoir travailler.
3. Des difficultés supplémentaires pour la réalisation du désir d’enfant
Autre conséquence négative et à rebours des annonces présidentielles sur la levée des freins à la réalisation du désir d’enfants, les parents décalent des naissances, voire y renoncent par crainte du coût de l’accueil de leur enfant :
- « Nous aimerions avoir d’autres enfants mais impossible vu le reste à charge mensuel » mère de 28 ans.
- « A ce jour, nous attendons que notre enfant entre à l’école pour envisager une 2nde grossesse. » mère de 29 ans.
- « La garde d’un enfant est très chère : c’est pour ça que nous n’aurons pas plus de deux enfants » mère de 31 ans.
Des risques à venir
Malheureusement les pouvoirs publics ne semblent pas avoir conscience de la situation. D’autres mesures sont programmées avec un risque majeur de nouvelles hausses du coût de l’accueil pour les parents :
- Le déplafonnement des tarifs maximaux des assistantes maternelles prévu pour 2025, qui n’est pas accompagné d’une amélioration de la prise en charge par la branche famille, va conduire à une augmentation du reste à charge pour les parents.
- La réforme du complément mode de garde (CMG) prévue en 2025 déboucherait selon les documents officiels du PLFSS pour 2023 sur au moins 43 % de parents perdants. Certains pourraient perdre totalement le bénéfice de cette prestation adossée à l’emploi, alors qu’il s’agit d’une des rares prestations encore universelles. L’Unaf a réitéré la nécessité de revoir le contenu de cette réforme.
Pour l’Unaf, le manque criant de modes d’accueil n’est pas lié à une absence de financements : les hausses de contributions financières des familles sont donc inutiles et, en outre, pénalisantes pour l’emploi des parents, en particulier des femmes. L’Unaf demande un moratoire sur toute augmentation du coût d’accueil du jeune enfant pour les familles et en particulier sur la réforme du CMG : une véritable analyse d’impact est nécessaire afin que les parents ne fassent pas les frais de cette réforme.